Un décret sur le logement décent qui réviserait la hauteur sous plafond minimum ?
Un décret sur le logement a engendré une polémique depuis quelques jours, alors qu’il requalifie une des caractéristiques principales d’un logement décent. Retour sur ce projet de décret qui a provoqué l’indignation générale.
Un décret révisant la hauteur sous plafond d’un logement décent
Le 26 janvier dernier, le ministère de la santé présentait au Conseil National de l’Habitat (CNH) un projet de décret relatif aux règles d’hygiène et de salubrité. C’est une phrase en particulier au sein de ce décret qui a retenu l’attention générale, mise en lumière par Manuel Domergue de la Fondation Abbé Pierre :
”En dessous de 2,20 m pour la pièce principale de 9 m2 – ou d’un volume habitable au moins égal à 20 m3 dont la hauteur est au minimum égale à 1,80 m – et de 2 m pour les autres parties du logement, la hauteur sous plafond constitue une impropriété."
Extrait du nouveau décret, article R.1331-22 du code de la santé publique
Concrètement, cela voudrait dire que des appartements contenant des pièces à vivre d’une hauteur sous plafond de 1,80m pourraient être considérés comme des logements et autorisés à la vente et la location en tant que tel.
Étant donné que la taille moyenne d’un homme en France est de 1,76m, une grande partie de la population ne pourrait simplement pas circuler ou se tenir debout dans le logement sans se cogner la tête. Relayée par le site d’information AEF, l’annonce du projet de décret ne manque pas de provoquer la polémique tant elle entre en contradiction directe avec un précédent décret statuant du logement décent :
”Le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.
La surface habitable et le volume habitable sont déterminés conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 156-1 du code de la construction et de l'habitation.”
Article 4, Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, legifrance.gouv.fr
Ce projet de décret constituerait donc une régression dans la qualification d’un “logement décent”, puisqu’il permettrait l’habitabilité de lieux précédemment considérés comme insalubres. Ce serait une porte ouverte aux propriétaires peu scrupuleux pour louer des “placards” à des loyers faramineux, et 3 pas en arrière pour le confort de vie en général.
Dans un contexte où les normes évoluent et l’on construit de plus en plus de programmes immobiliers neufs écologiques et confortables, le décret fait figure de contradiction. En effet, en plus de l’entrée en vigueur de la norme RE2020 pour des constructions bas carbone et de hautes performances énergétiques, le gouvernement s’est basé de sur le rapport Girometti - Leclerc traitant du confort d’usage des logements pour établir la nouvelle loi Pinel Plus.
«La logique du texte serait d’améliorer l’impact du logement sur la santé des occupants, en leur permettant notamment de pouvoir se tenir debout dans leur pièce de vie. Il semblerait que le ministère du Logement ait souhaité préserver l’habitabilité de certaines chambres de bonne à Paris ainsi que des habitations spécifiques dans les corons avec de faibles hauteurs sous plafond. Si l’on maintient cette disposition, cela veut dire que des entresols, des souplex ou des caves transformées deviendront habitables.»
Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, propos recueillis par AEF
Suite au tollé qu’a provoqué cette nouvelle, le ministère concerné s’est dédouané en déclarant que le texte était actuellement à l’étude au Conseil d’État. Selon Capital Immobilier, le ministère de la Transition écologique évoquerait une “mauvaise rédaction” du texte et affirme vouloir “harmoniser les quelques 70 règlements qui existent en un seul niveau national et renforcer cette norme sanitaire, d’hygiène et de salubrité des logements avec une portée nationale”.
À l’origine, ce nouveau décret rentre dans le cadre de la lutte contre les marchands de sommeil, ces bailleurs malhonnêtes qui louent des logements insalubres à des individus ou des familles en situation précaire.
Or, on pourrait penser qu’une telle clause aura justement l’effet inverse et encouragera des locations impropres, ce qui n’est pas l’intention du gouvernement.
Au final, il semblerait qu'une nouvelle version de ce projet de décret soit en cours de rédaction et ne mentionne plus de changement sur la hauteur sous plafond d’un minimum légal de 2,20m (Source : Capital Immobilier).
La situation du mal-logement en France
Pour ne rien arranger, cette polémique tombe peu après la publication de 28e rapport sur l’état du mal-logement en France en 2023 par la Fondation Abbé Pierre. Créée en 1988 par le célèbre Abbé du même nom, cette Fondation a pour objectif principal de sensibiliser et lutter contre le logement indigne et précaire dans notre pays. Publié le 1er février, le rapport dresse un constat toujours plus alarmant de la situation du mal-logement en France
- 4,1 millions de personnes non ou mal logées ;
- 12,1 millions de personnes fragilisées par la crise du logement ;
- 12 millions de personnes en précarité énergétique ;
- 2,5 millions de ménages en attente d’un logement social ;
- 5,7 millions de personnes subissent un effort financier excessif ;
- 330 000 personnes sans domicile...
La Fondation Abbé Pierre critique notamment le gouvernement Macron et sa politique en matière de logement, qualifiée de “page blanche”. Le budget alloué au logement ces dernières années pâlit en comparaison aux autres domaines.
En 2021, la part du PIB consacrée par les pouvoirs publics au logement était de 1,5%, le niveau le plus bas enregistré en 40 ans”, relève PublicSenat dans un article sur le bilan de la Fondation.
Certes, la crise sanitaire n’a pas aidé à arranger les choses, mais la relance du logement tant espérée n’a pas eu lieu, et pour couronner le tout, le secteur traverse une nouvelle crise avec les pénuries de matériaux, la crise énergétique et la guerre en Ukraine qui influe également sur la situation.
Interrogé par Sud Radio sur cette question du mal-logement et des chiffres de la Fondation Abbé Pierre, le ministre délégué au logement Olivier Klein avance le contre-argument que lors du quinquennat précédent, ce sont 440 000 personnes qui sont passées de l’hébergement d’urgence à un domicile.
Aujourd’hui encore, 203 000 places en hébergement d’urgences sont ouvertes, et le ministre affirme que construire plus de logements (sociaux ou non) est une priorité absolue et que son ministère travaille chaque jour à trouver des solutions.
C’est d’ailleurs aussi l’un des intérêts de bâtir des logements éligibles au dispositif Pinel puisque, outre le fait que la dispositif permette au propriétaire de bénéficier d’une réduction d’impôts, il permet également aux foyers modestes de se loger dans de bonnes conditions, avec un loyer plafonné par la loi.
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